HISTOIRE D'AIMER
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 L' I N C O N N U

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Michèle Schibeny
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Michèle Schibeny


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MessageSujet: L' I N C O N N U   L' I N C O N N U Icon_minitimeMar 23 Juil - 20:46










L'inconnu




Il gara sa moto enfourchée deux ou trois heures plus tôt à côté de mon auto que je venais de stationner devant la boutique Total de l'aire de repos que j'avais choisie pour faire un petit somme avant de continuer ma route, et sans même qu'il ôte son casque, j'étais sous le charme. Attirée. Fascinée. Scotchée. Puis il se planta devant moi, contre le mur de la boutique. Sans me regarder. Il enleva son casque noir. Il jeta dedans ses gants de cuir noir et ébourriffa ses cheveux gris plaqués par la chaleur à son crâne, et immédiatement il sortit ses lunettes noires comme pour se cacher derrière quelque chose sans me lancer un seul regard.

Grand, mince presque maigre, élancé, se souriant souvent à lui-même, il ouvrit la fermeture éclair de son blouson de cuir, noir encore, et resta quelques instants sans rien faire, à se dandiner d'une jambe sur l'autre, pour se délasser de la longue route qu'il avait dû faire. Moi, c'était plus fort que moi. Je le regardais à la dérobée. Sans cesse. Il devait bien avoir la cinquantaine et il avait une alliance en argent à l'annulaire droit. Mais qu'est-ce que ça pouvait bien prouver hein ? Rien ! Sans doute rien.

Seulement, il sortit bientôt son téléphone portable, le glissa dans la poche intérieure de son blouson, et les écouteurs dans ses oreilles et il entreprit de téléphoner à un quelconque interlocuteur... Interlocutrice... Vu les sourires doux qu'il faisait en parlant c'était surement une femme j'en étais presque certaine, et comme il n'avait rien du type qui drague cela ne me plut pas. Il n'avait rien du mauvais garçon non plus. Entre deux âges, deux situations familiales, une sorte d'aventurier rangé. Une sorte de prof de lettres encanaillé de grand air ou libéré de n'être plus sur une estrade à la vue de tous, une sorte de divorcé nouvellement amoureux, une sorte de solitaire nouvellement à deux... Un type bien dans sa peau. Un type bien... Que me passait-il donc par la tête ! Il n'avait rien de spécial ce type me dis-je ! Rien !

Sa conversation durait et il souriait de plus belle sans se préoccuper du reste du monde. Il semblait avoir trente ans bien plutôt que cinquante en fait à bien y regarder. Mais une trentaine d'une autre époque. Cette époque où être sur son petit nuage, n'était pas synonyme de débilité profonde. Cette époque où l'amour s'écrivait avec un grand A, avec beaucoup de moues et de doux. Lui, il avait tout cela pour quelqu'un j'en étais sure. Je n'étais pas jalouse ou envieuse non. Même pas ! Mais il glissait en moi une furieuse envie de le connaître. Comme ça. Pour rien.

Alors, prise d'une subite inspiration, je lissais rapidement mes cheveux dans le rétroviseur, je sortis en vitesse mon tube de rouge de mon sac pour en mettre doucement sur mes lèvres, j'époussetais mon chemisier et mon pantalon noir, défis un bouton supplémentaire de mon décolleté, au cas où, vaporisais une touche de mon parfum préféré dans mon cou et sur mon poignet, et sortis précipitamment de la voiture de peur qu'il ne reprenne la route avant qu'il ne me remarque. Et je me plantais tout à côté de lui, dos au magasin, comme lui, tournée vers mon véhicule, comme lui, dans une position identique à la sienne, et je sortis mon téléphone également, mais le gardais entre mes mains jointes. "Qui ne sort pas son mobile à tout instant à notre époque hein ? Voilà naturelle... Il fallait que je sois naturelle ! Car sinon, je lui aurais sauté au cou pour tout. Ou pour rien. Ici pour rien c'est vrai. Mais, qu'est-ce que ça change au désir dites ?"

Il continuait de parlementer avec l'inconnue du téléphone, et je lui laissais mentalement encore deux minutes pour en finir avec sa conversation. Ensuite j'interviendrai. Il le fallait absolument. Mes ongles rythmant mon impatience sur la fenêtre de mon smartphone tout comme les talons de mes bottes. Il n'eut aucune réaction. Rien.

N'y tenant plus alors, et me penchant alors vers lui, tout près, très près, je l'interrompis subitement en lui demandant s'il pourrait me prêter tout de suite après sa conversation, son téléphone, le mien étant en panne de batterie. C'était pour une urgence ! Je devinais ses yeux derrière les lunettes noires, et aussi sa stupéfaction pour le sans-gêne que je venais de manifester, mais il ne fit ni commentaire ni grimace se contentant d'acquiescer d'un mouvement de la tête, tout en poursuivant sa conversation un sourire béat aux lèvres. Je le remerciais d'un sourire figé, irrité et forcé et continuais de trépigner comme si la situation était dramatique.

Au bout de dix minutes il sussura un "à tout à l'heure" à son correspondant et me tendit d'un air dégagé son mobile avec un immense sourire sur les lèvres qui me mit dans tous mes états sans m'indiquer de quelle façon le retenir un peu plus longtemps. "Pourquoi le retenir !" me direz-vous. Pour rien ... Juste comme ça ... Pour me délecter de sa présence encore quelques instants c'est tout.

Tandis que je fis en vitesse défiler les numéros de ses contacts sous mes yeux cherchant fébrilement son propre numéro pour le noter dans ma mémoire, lui avait remis son casque et ses gants méticuleusement et le moteur en marche, et attendait sa moto enfourchée, les mains posées sur les commandes, que je lui rende son bien pour s'évanouir sur la route toute grande qui s'ouvrait tout juste à l'angle droit de la boutique.

Puis de son portable je m'appelais moi-même pour que s'enregistre son numero dans mon téléphone que j'avais éteint pour le moment puisque je ne trouvais pas son numéro dans la liste. Je simulais une conversation bidon pour qu'il ne se doute de rien tout en le dévisageant avec insistance tandis qu'il attendait patiemment que j'en ai fini. Je fis durer le plaisir le plus longtemps que je pus. Nos regards détaillaient, envisageaient et caressaient le corps de l'autre, soudain sans honte et sans gêne, croyant ne pas être vus. Comme s'ils n'étaient personne. Comme s'ils étaient sans rien.

Au bout d'un moment, je ne fis même plus l'effort de faire semblant de parler. Je restais là. Interdite et paralysée devant l'ampleur du désastre. La bouche ouverte, me mordant la lèvre inférieure de savoir que j'allais le perdre d'une minute à l'autre et que ce serait terrible même si rien ne s'était passé. Rien de rien.

Je m'avançais alors vers lui pour lui rendre son bien en le regardant droit dans ses yeux cachés par le casque, et il me sourit sans rien dire, sans refermer la main sur son portable que je ne lâchais pas bien que l'ayant posé au creux de sa main. "Voyait-il en moi ? Lisait-il sur mes lèvres ? Dans mes yeux ?" Il se passa trois interminables minutes ainsi avant que nous reprenions chacun nos esprits, et il referma ses doigts sur l'objet en caressant mes doigts d'un frôlement imperceptible qui me fit frissonner.

Il partit. Tourna l'angle, et pris la route toute grande. Et, sur le fameux nuage, je remontais au bout d'un long moment au volant de ma voiture. Sans Lui. Sans plus rien.

A la halte suivante, quelque trois cents kilomètres plus loin, après n'avoir fait que me débattre dans une brume épaisse de ne penser qu'à lui durant tout ce temps, je lus sur mon téléphone qu'il me donnait rendez-vous à Paris pour minuit. Dans ma propre rue. Devant ma porte. Comme ça. Pour rien.

Nous fumes tous les deux à l'heure au rendez-vous.


Fin


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