Michèle Schibeny Admin
Nombre de messages : 5494 Age : 63 Localisation : LES MAZURES Emploi/loisirs : Poète, Photo-Infographiste, Peintre Humeur : artistique ! Date d'inscription : 30/09/2008
| Sujet: BONNE NOUVELLE Lun 30 Jan - 6:18 | |
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Bonne Nouvelle
Il parait que le bonheur n'est pas marrant, qu'il n'a rien à raconter. Il parait qu'il est dérangeant et même un peu tristounet.
Imaginez une minute que, sans choix, sans questionnement, sans tergiversation ou autre prise de tête, vous sautiez tous les matins, du premier coup, dans la bonne robe qui vous va à la perfection mesdames ? Celle qui vous va à ravir. Celle qui décuple votre beauté ? La plus adaptée à cette journée bien particulière sans que vous n'ayez eu à vous triturer les méninges et à en essayer une demi douzaine ! Indispensable ! Et vous messieurs, que diriez-vous de ne plus jamais vous couper en vous rasant le matin ? Allez, poussons le bouchon plus loin, et s'il ne vous manquait jamais quelques heures de sommeil, si le café était toujours plus que parfait en température et en arabica, si la balance n'affichait plus jamais nos écarts gastronomiques ? Plus de migraine chez vos épouses, et plus de préliminaires câlins ratés, abandonnés, insatisfaits, plus de tâtonnements sexuels désobligeants vous laissant sur votre faim, mais immédiatement le plaisir, qui dure. L'orgasme. Le fantasme parfait, attendu, obtenu, du premier coup. Recevoir avant de désirer. Recevoir pour ne plus désirer.
Imaginez, que vous ne ratiez plus jamais de photo, de bus ou de métro, que votre fils ne soit plus jamais rebelle, qu'il ne vous rapporte que de bonnes notes, qu'il soit d'une politesse exemplaire en toute occasion. Que deviendrions-nous si notre conjoint jubilait rien qu'à l'idée de faire les boutiques avec nous une journée entière ? Que se passerait-il si le petit dernier ne pleurait plus, ni de nuit, ni de jour, ni pour un caprice, ni pour un biberon trop chaud ou trop froid, et même pas en passant au rayon jouets le samedi pendant les courses pour avoir le dernier joujou à la mode ? Qu'arriverait-il si votre patron vous augmentait chaque jour tout en diminuant votre temps de travail ? S'il vous laissait libre, s'il ne vous donnait plus d'ordre ou s'il n'attendait plus rien de vous ?
Envisagez un instant, que tous les piétons marchent dans les clous, que les voitures suivent scrupuleusement les limites de vitesses comme des automates, que les trains et les avions arrivent à l'heure, voire en avance, (mais que signifierait d'ailleurs l'expression "être en avance" du coup ?), que les téléphones ne sonnent plus que lorsque vous en avez envie, que vos amis ne viennent plus jamais vous déranger alors que vous passez à table le dimanche à midi, et puis même, soyons fous, que plus aucun objet ne tombe en panne de façon inopinée ?
Imaginez ne plus rien rater. Imaginez la perfection. Imaginez l'abondance, l'exactitude. En toute chose.
Entrevoyez juste un instant, des relations humaines toujours sereines, désintéressées, sincères, épanouissantes, toujours respectueuses, toujours passionnantes, sans mauvais ou faux jugement, sans haine, sans excès, sans naïveté, sans hypocrisie, sans humeur, sans égocentrisme, individualisme ou orgueil.
Regarder le ciel sans gris, sans pluie, sans neige, sans nuage, sans vent. Observer la nuit sans ombre, sans peur, sans mystère, sans trop d'étoiles non plus. Regarder le soleil en face sans se brûler la rétine. Bronzer une semaine entière de farniente sur une plage de Monte Carlo sans se brûler la peau... Tomber sans se faire mal, ou bien ne jamais tomber ? Allez, au choix... pourquoi pas !? Avoir la taille mannequin, le cheveu toujours bien peigné, la peau parfaite qui ne luit ou ne graisse ou ne se dessèche, la mine et le sourire adéquats, à propos, partout, et tout le temps.
Imaginez la bonne pensée au bon moment. La bonne intuition et la bonne solution à chaque problème. Enfin, plus que des problèmes, juste des "cas" à résoudre, sans s'arracher les cheveux, sans s'angoisser, sans peine ou difficulté. Une équation, une inconnue, une solution. Point. Pas de quoi fouetter un chat. Jamais.
Ne plus rien oublier. Ne rien désirer. Ne plus être malade ou en crise, d'ado, ou de la quarantaine. Ne plus rien apprendre mais tout savoir. Ne pas attendre mais se réjouir de ce qui est. Ne plus s'étonner mais prendre ce qui vient comme si on l'attendait, ou pas. Sans émotion, sans pulsion, sans regret, sans impatience. Sans, mais en entier. Pleinement. Comme une absorption et une acceptation intégrales de ce qui est et nous entoure, pour devenir nous, en nous.
Mourir en bonne santé. Vivre ou mourir indifféremment.
Claudia s'y employait, chaque matin, assise en lotus sur le bout de tapis de coton tressé vert amende de sa chambre, ses mains reposant sur ses genoux assouplis par des années de pratique. Ce tapis installé face à sa fenêtre par où le soleil entrait chaque matin. Car chaque jour était un jour de soleil, doux, merveilleusement beau et lumineux. Un jour entre les jaunes, les ors et les rouges. Un jour unique et différent chaque fois elle le savait, mais jamais ennuyeux.
Claudia voyait au delà des couleurs, au delà de l'horizon, connectée à elle-même, au monde et à l'univers tout entier. Parfois les yeux grands ouverts, parfois les yeux fermés, elle prenait son temps. Tout son temps. Rien ne pressait. Le principal était de faire la paix. Et la paix était partout. Chaque chose était à sa place car c'est ainsi que cela avait été conçu. Nul besoin de s'en persuader pour y croire ou le voir. Nul besoin de se l'entrer dans le crâne à coup de massue. Cela se voyait dans chaque détail que tout était fait pour la paix.
Le monde pouvait bien s'enflammer.
© Michèle Schibeny
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